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Le souffle de la Réforme

les châteaux des gouverneurs et des intendants français furent très pressés d’aller briguer les honneurs dans les palais du gouverneur anglais : ils obtinrent la faveur de baiser la semelle de ses souliers et de se ranger parmi ses courtisans et ses adulateurs.

« Les Canadiens avaient honte après leur résistance héroïque de se présenter devant leurs vainqueurs. Ils se cachèrent pour ainsi dire dans leurs terres, et se livrèrent à l’agriculture. Ce qui restait de Canadiens à Québec, à Montréal et aux Trois-Rivières étaient incapables de veiller aux intérêts de leurs compatriotes et pour la plupart, ils subirent le joug comme l’âne de la fable : ils étaient assez indifférents à ce que le bât leur fût imposé par l’Angleterre ou la France. La nation canadienne réfugiée à la campagne espérait peut-être qu’un homme monterait sur le trône de France qui se rappellerait d’elle, mais les bons rois sont rares et oublieux de leurs sujets, surtout quand il s’agit de faire un sacrifice pour les racheter. Les Canadiens attendaient, peut-être, mais ce fut en vain.

« Les Anglais, ces observateurs de première force, s’aperçurent de leurs avantages et en profitèrent avec habileté. Il importait à leur politique d’attirer les colons anglais en Canada afin de se créer des ressources dans les moments de danger et pour y parvenir, ils employèrent toute espèce de séductions. Ceux qui voulaient faire le commerce le firent dans les circonstances les plus favorables. Les Canadiens n’ayant plus de rapports avec la France ne pouvaient plus continuer le commerce. Inconnus en Angleterre, ils ne pouvaient en faire venir des marchandises. Ainsi, le haut commerce fut la propriété des sujets d’origine anglaise qui ne manquaient pas de relations dans la métropole. (On appelait de ce nom Londres la capitale de la Grande-Bretagne.) Cette branche fut une ressource inépuisable de richesses pour les Anglais. Ils firent en peu de temps des fortunes colossales et prirent une position qu’ils ont conservée jusqu’à aujourd’hui, c’est-à-dire, que le commerce en détail fut le domaine du commerçant canadien, le grand commerce lui étant quasi interdit par les circonstances fâcheu-