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Papineau

une de ses lettres pastorales, qu’il adressait à ses ouailles pour calmer une agitation qu’aucune puissance humaine déjà ne pouvait contenir :

« Ne vous laissez pas séduire, si quelqu’un voulait vous engager à la rébellion contre le gouvernement, sous prétexte que vous faites partie du peuple "souverain" ; la trop fameuse convention Nationale de France, quoique bien forcée d’admettre la souveraineté du peuple, puisqu’elle lui devait son existence, eut soin de condamner elle-même l’insurrection populaire en insérant dans la Déclaration des droits de l’homme, en tête de la constitution de 1795 "que la souveraineté réside, non pas dans une partie ou même dans la majorité du peuple, mais dans l’universalité des citoyens." Or qui oserait dire que dans ce pays, la totalité des citoyens veut la destruction du gouvernement ? » Une question n’est pas une affirmation. L’évêque, évidemment, veut jeter de l’huile sur la mer. Il n’ose pas affirmer que la totalité des habitants du Bas-Canada fût hostile à l’absolutisme établi, mais il admet tacitement que la majorité des citoyens voulaient renverser le gouvernement. Vu les circonstances, il lui était difficile de se prononcer plus catégoriquement. Mgr  Lartigue fait des subtilités nécessaires, car après avoir été en faveur de la révolution, force lui était, pour la condamner, de jouer sur les mots. C’est étrange pour un prince de l’église de s’inspirer des droits de l’homme afin de justifier la rébellion et sa participation implicite au mouvement. Il est assez rare qu’on puisse rencontrer l’unanimité, surtout dans un pays mixte depuis cinquante ans.

Le district de Québec, se contint dans les bornes d’une indignation platonique, mais le district de Montréal se leva comme un seul homme contre le pouvoir tyrannique des Anglais, ainsi que le témoignent les douze cents personnes jetées en prison, nombre qui représente à peu près le dixième de la population en état de porter les armes. Mgr  Lartigue a donc raison de ne pas préciser, plus qu’il le fait, le nombre de gens qui se sont révoltés contre l’autorité et d’abandonner à l’histoire le soin de décider si c’est la majorité ou la totalité des citoyens