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La Fuite de Papineau

dans la révolution le rôle passif qu’on lui prête.

« M. Papineau était à Saint-Denis plusieurs jours avant la bataille, organisant avec le Dr Nelson et les autres les moyens de résistance. M. Papineau était considéré comme le chef du mouvement. Quelques jours avant la bataille, j’ai signé, à la demande de M. Papineau, un document pour la convocation de délégués et la déclaration d’indépendance. Quand j’ai signé, il n’y avait avant la mienne que la signature de MM. Papineau et Nelson. Ensuite ces derniers m’ont dit de retourner vite à Saint-Denis, pour faire boucher le chenal de la rivière. Ensuite, ils m’ont prié de faire tout en mon pouvoir auprès des marguilliers pour avoir l’argent de la Fabrique. Je n’ai pas réussi. Et le jour suivant, ils m’ont envoyé à Montréal avec des billets, pour réaliser de l’argent pour avoir des armes. M. Papineau disait que l’argent de la Fabrique appartenait au peuple et qu’il pouvait le prendre pour sa défense. Tout ceci s’est passé avant la bataille. Je n’ai pu obtenir d’argent à Montréal… Si M. Papineau, après la bataille, eut été à Saint-Denis pour encourager les gens, la victoire nous eut été plus profitable. Ne sachant pas où il était, chacun éprouvait de l’anxiété et du malaise. »

Il est certain que Papineau commit une grave erreur en laissant la place à la veille des hostilités, quelles que soient les raisons auxquelles il obéit. Mais y a-t-il beaucoup de généraux qui s’exposent au feu ? L’état-major lui-même fait-il toujours face à la musique ?… Puisque vingt minutes avant l’action il était au camp des patriotes, il ne devait pas être si loin quand la bataille éclata. Il en surveillait sans doute, à une faible distance, les évolutions comme Bonaparte lui-même quand, du haut d’une colline, il assistait aux horribles boucheries qui devaient le rendre maître de l’Europe. Les conséquences de la disparition de Papineau n’ont pas été aussi graves qu’elles auraient pu l’être, puisque la plupart des patriotes l’ignoraient et que Nelson remporta la victoire. Si le chef des révolutionnaires avait été considéré comme un fuyard, est-ce qu’on lui aurait par la suite confié un mandat de député ?