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La Contre-Révolution

— Lors même que la position de l’armée serait plus mauvaise encore, les hommes n’ont pas d’autre raison d’être que de se sacrifier à la patrie, répartit Nelson.

Nobles paroles, sans doute et qu’un guerrier antique n’aurait pas désavouées et qu’approuvèrent ses aides-de-camp. Leur sacrifice était déjà consommé dans leur esprit. Ils se dévouaient délibérément à la mort pour nous gagner nos libertés. Ils entendaient distinctement au fond d’eux-mêmes les glas de la défaite de Saint-Charles et de Saint-Eustache, mais une voix impérieuse leur disait que le pays avait besoin de leur vie, ils s’abandonnèrent entre les mains du destin.

Tout leur était contraire. On se trouvait alors dans la mauvaise saison. Les chemins imprégnés d’eau, montraient par endroits de profondes et larges coupures. Une neige fine, pénétrante, dure et brillante comme du salpêtre, fouettait leur figure. Les pauvres soldats avaient mal choisi leur moment, car le mois de novembre est le plus maussade de l’année. On peut difficilement se faire une idée de la détresse de cette misérable armée mal vêtue, et encore plus mal chaussée. Les bottes adhéraient à la glaise mi-gelée, un vent froid glaçait les vêtements qui devenaient durs comme du verre. Ils ne pouvaient faire un mouvement sans multiplier à l’infini, la sensation douloureuse de leurs membres piqués, on eut dit, par des milliers d’aiguilles. Mais quand la voix rude de Nelson criait : « En avant, mes braves », le cercle douloureux se brisait. Leur cœur se mettait à battre et propageait une bienfaisante chaleur dans tout leur être. Le courage renaissait un instant et les soldats résolus s’enfonçaient dans la brume et envahissaient les bois. Parfois, ils s’égaraient durant la nuit, mais rebroussaient chemin à l’aurore.

Partis de Laprairie, ils se dirigeaient vers Saint-Jean et Chambly en passant par Napierville lorsque Colborne, averti du parcours de l’armée des rebelles, dépêcha vers eux une armée de sept mille hommes, avec huit pièces de campagne. Nelson, cerné de partout, se trouva dans une position très difficile. Toute retraite lui étant coupée, il pénétra dans Odell-