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Papineau


CHAPITRE XXI.

RETOUR DE L’EXIL.


Elles coulèrent lourdes et grises comme du plomb, les heures de l’exil pour le chef révolutionnaire. Il était sans but, désemparé dans la vie, ne sachant où aller ni quoi faire de son temps, qu’on avait tué avec son rêve. Chaque jour lui amenait une nouvelle épreuve. La pire nouvelle qu’il pouvait recevoir, c’était celle, après le massacre de ses collaborateurs, de l’horrible paix reconquise, et du calme stupide qui règne sur les champs de bataille le lendemain des défaites, alors que tout le sang versé a été aspiré par les nuages et que l’oppression pèse sur nos poitrines. Ses nuits étaient hantées par ces morts qui tenaient à toutes les fibres de son âme. Il était trop loin et trop près de sa patrie ; trop loin pour suivre les événements qui s’y déroulaient et trop près, parce qu’il sentait le froid mortel qui l’envahissait lui gagner le cœur, auquel il préférait l’état fébrile d’autrefois, les pulsations affolées des artères d’où un organisme sain sort revivifié.

Il résolut de passer en France, car il lui restait un vague espoir de rallier des amis à sa cause. Rendu là, il constata que l’irréparable était creusé entre la Mère-Patrie et la Nouvelle-France. Plus qu’un océan maintenant séparait les deux mondes. Le lien moral s’était rompu entre la mère et la fille ; elles ne pouvaient plus mettre en commun leurs destinées. La France, épuisée par l’effort titanesque de sa révolution, ne semblait pas disposée à évoluer en de nouveaux cycles san-