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Mort de Papineau

n’avait pas la délicatesse de toucher voulue pour manier une âme si difficile et ne reparut plus dans la chambre de cet incroyant.

Un plus habile, au lieu de faire à la dernière minute, le siège de cette conscience cantonnée dans une certitude inébranlable, se serait insinué dans l’intimité du grand homme pour l’amener insensiblement à ses fins ! Il aurait fait valoir des raisons pour vaincre la résistance du malade. Il aurait esquivé l’écueil dogmatique. Comme c’était l’infaillibilité du pape que Papineau ne voulait pas admettre, il aurait pu lui citer le cas de Mgr  Strossmeyer et de Mgr  Dupanloup, dissidents au concile qui érigea en dogme la croyance à l’infaillibilité papale.

Il est tout probable que le grand homme, qui avait un caractère fortement trempé, serait resté irréductible ; mais ces moyens de séduction réussissent généralement et il est de bonne tactique de les employer. L’Église du Canada vit avec chagrin cette âme d’élite lui échapper. Quand tant de malhonnêtes gens font une belle mort, c’est une compensation que de pouvoir faire montre de ces brillantes conquêtes de la dernière heure auxquelles on attache tant de prix, nous ne savons pourquoi, car c’est la vie et non pas la mort d’un homme qu’il faut savoir capter. À cette valeur négative nous préférons les œuvres qui sauvent.

Il est certain que si Papineau avait fait sa paix avec l’Église avant de trépasser, on ne lui eût pas ménagé les éloges qu’on lui sert si parcimonieusement aujourd’hui parce qu’il est resté fidèle jusqu’à la fin à son idéal philosophique. Sa faiblesse dernière lui eût été comptée ; car en amoindrissant le héros, elle en faisait un saint. Tous les bambins de l’école sauraient par cœur les 92 résolutions, sa statue ornerait notre plus beau square. Le manoir Montebello, depuis longtemps la propriété de l’État, serait devenu le rendez-vous des nationalistes surtout. Tous les amis de l’Action française et ceux qui savent que nous devons à Papineau la conservation de notre langue, monteraient à genoux la pente douce qui conduit à la maison seigneuriale où le solitaire-philosophe, comme dans une grotte de la Thébaïde et comme le sage de « l’Imitation » s’abîmait