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Papineau

qu’on ne peut réussir à tuer, si l’on pouvait faire revivre Papineau…

Est-on bien sûr qu’il est mort ?… Comme Orphée, n’a-t-il pas triomphé du tombeau des limbes et des enfers en charmant par son éloquence les divinités de l’ombre, là-bas comme ici ? Les chapelles mortuaires, les colonnes brisées, les épitaphes sont des leurres. Papineau vit dans la légende, dans l’âme d’un peuple, dans notre littérature. Les pages les plus vivantes de notre histoire ont été écrites par lui ou sous sa dictée. Beaugrand fonda La Patrie pour succéder au Pays, à L’Avenir, sous son inspiration. Mme Dandurand, la première femme journaliste de Québec, la première féministe canadienne dont la plume virile s’employa à l’émancipation des femmes, avec Françoise, qui jonglait avec des idées libérales comme avec des billes de verre, procédaient de sa pensée. Papineau a toujours tenu la main de M. David quand il écrivait ses pages touchantes, d’un nationalisme enflammé. Il a parlé par la voix de son petit-fils, Bourassa, quand il défendait la vie des Canadiens-français contre le dragon de l’impérialisme. Ce nouveau saint Georges enfonça dans la gorge béante du monstre la lance meurtrière de son verbe, leg de son aïeul. Dans toute notre littérature, nous entendons bruire la grande voix de Papineau comme dans une conque marine, la clameur de l’océan.

Mais celui qui incarna le plus brillamment les idées de Papineau fut Godfroy Langlois, tout à la fois journaliste, pamphlétaire, fondateur de la loge maçonnique du Grand Orient au Canada et député à la législature provinciale. Durant vingt-cinq ans, chef reconnu du libéralisme radical, il soutint de bons combats et remporta de belles victoires. Il avait pour lui les « vieux rouges », les Anglais, les exotiques, tous ceux qu’une tyrannie quelconque groupe ensemble. Au commencement de sa carrière, il comptait des partisans dévoués et jouissait d’une belle popularité, mais le fléchissement des caractères, la dépression des principes d’autrefois lui firent ajourner indéfiniment l’espoir de voir se réaliser le rêve de son enthousiaste jeunesse.