Aller au contenu

Page:Côté - Papineau, son influence sur la pensée canadienne, 1924.djvu/43

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
28
Papineau

des révolutionnaires : il est toujours facile de prophétiser après que les événements ont eu lieu. Il est évident que les chances de réussite étaient incertaines, mais si elles avaient été désespérées, les promoteurs de la révolution ne les auraient pas tentées. C’étaient des hommes pondérés et réfléchis qui ne se jetaient pas dans cette aventure tête baissée, sans en avoir prévu toutes les conséquences. Nous n’avons pas eu La Fayette avec ses régiments de braves pour nous prêter main-forte. Les États-Unis, qui n’ont jamais fait de guerre sentimentales, n’étaient guère pressés de nous venir en aide. L’argent, ce nerf de la guerre, nous manquait également.

Mais il fallait aussi faire la part de l’imprévu, escompter quelque peu sur la justice immanente des choses et tabler sur les chances heureuses du hasard. Nous n’avions pas sept millions d’habitants comme en Irlande à diriger sur l’Angleterre, mais nous étions assez nombreux, si nous avions été unis, pour tenter notre libération. Mais la défection se mit dans les rangs. L’abandon, ou plutôt la subite retraite du clergé, jeta le désarroi dans le camp. C’était pour les croyants comme si Dieu s’était mis hors de la partie. Il faut dire que l’Église canadienne ne céda qu’à une brutale pression de l’Angleterre. Forcée de désavouer ses alliés d’hier, elle le fit avec autant de répugnance que de chagrin. Peut-être, aussi, espérait-elle que cette retraite de la dernière heure ne nuirait pas au mouvement, les voies de Dieu sont parfois sinueuses et difficiles à comprendre.

Mais il est certain que les lâcheurs et les trembleurs en prirent prétexte pour rentrer sous leur tente. Les âmes manquaient de ressort. Leur confiance était ébranlée.

Au lendemain de la domination française, les habitants du pays, meurtris, appauvris, torturés, trompés et exploités de tous côtés n’aspiraient plus qu’à la paix. Sans doute, ils voulaient leurs libertés religieuses, la faculté de conserver leurs observances traditionnelles, l’abolition des lois persécutrices, mais plus que tout cela, la cessation des troubles qui avaient de douloureuses répercussions dans le foyer. On ne savait pas si, du jour au lendemain, on ne viendrait pas les expulser