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Papineau

sa langue et de sa nationalité. Mais l’excès même dans le bien n’est pas approuvable. Si le patriotisme y fut pour quelque chose dans le peuplement intensif du Canada, — ce dont il est permis de douter — l’on aurait dû, il nous semble, procréer pour le Canada seulement. Dès 1868 Papineau déplore l’exode des nôtres vers la république américaine. Il porte à cinq cent mille le nombre des habitants du pays qui ont traversé la frontière. On ne saurait plus louer les femmes canadiennes d’avoir donné des hommes de profession au Canada, que de leur tenir rigueur d’avoir fourni des manœuvres à nos riches voisins. S’il est d’usage de lever nos verres en leur honneur le jour de la Saint-Jean pour leur faire gloire de ces merveilles que l’instinct génésique communément appelé l’amour, je crois qu’on doit plus encore les louer de la qualité de leur descendance que de sa quantité…

Il est certain qu’un grand nombre de ces femmes à qui le roi de France confia la mission de peupler ses colonies, furent régénérées par la maternité. En prenant racines en nos terres vierges et fortes, elles s’épanouirent en beauté et en énergie. Les Canadiennes-françaises quand elles furent frottées de lettres devinrent des bouchées de prince. La reine Victoria faillit avoir pour mère une Française du pays, faite « duchesse Saint-Laurent », que le duc de Kent épousa morganatiquement et dont il eut des enfants. Ce dernier, rappelé en Angleterre pour des raisons d’État, dut épouser une princesse prussienne afin de donner un héritier au trône de la Grande-Bretagne. La veuve de ce mari trop vivant s’alla enfermer dans le monastère des Ursulines.

Les officiers anglais apprécièrent surtout les Québècquoises dont les plantureux appâts convenaient à leur tempérament sanguin. Le « péril rouge » menaça la ville de Champlain d’anglicisation. L’élite commença à bafouiller le langage de Shakespeare. Les couvents des Dames de la Congrégation reçurent des faveurs de la couronne d’Angleterre pour aider à la diffusion de l’idiome autrefois abhorré. Bientôt, il fut de mode de ne plus savoir parler français. Après avoir boudé le dialecte qui incarnait l’esprit tyrannique des vainqueurs, on se mit