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Papineau

aux corvées, à la cueillette des framboises.

L’ennemi du paysan était le citadin. Ce beau garçon bien habillé, qui a du linge blanc et des chaînes d’or, lui a toujours inspiré une terreur secrète. Le producteur a la haine innée de celui qu’il croit un parasite, un frelon mangeur de miel que les patientes abeilles extraient du suc des fleurs. Pourtant les filles de la campagne sont hypnotisées par ces jolis « messieurs » elles tournent vers lui leurs visages émerveillés comme des tournesols vers l’astre du jour.

Autrefois, le temps d’un homme n’était réclamé ni par la politique, ni par l’industrie, ni par la littérature. À tuer le temps, il finissait par se tuer un peu. L’homme a besoin d’une occupation forte qui le contienne. Il est comme l’eau, il lui faut une pente et une digue, sinon le fleuve utile, agissant, limpide devient un marécage stagnant et fétide. Ici, la direction religieuse barra la voie au fleuve, et le bouillonnement du plaisir contenu taquina constamment la digue. En dépit de ce qu’on appelle nos mœurs patriarcales, la femme n’était guère plus heureuse alors qu’aujourd’hui. Comme la matrone romaine, elle pouvait se parer de ses enfants, mais c’était une couronne bien douloureuse, où il y avait plus de gouttes de sang que de fleurs.

Les intellectuels d’alors, comme ceux d’aujourd’hui, aimaient à faire de jolies phrases, mais c’est un agrément qu’ils contestaient au beau sexe. Une correspondante du Spectateur, dans le premier exemplaire de ce journal, signe du nom d’Adélaïde une lettre charmante écrite dans une langue correcte et qui donne des détails intéressants sur la société du temps. Aussi, le rédacteur s’empresse de rabattre l’éteignoir sur l’éclat de cette jeune pensée, il insère, dans une note, qu’il est malheureux que l’épistolière « soit trop loquace ». La jeune fille n’a pas récidivé.

Les dames de la société s’occupaient alors comme aujourd’hui de bonnes œuvres. Elles organisaient des bazars, tandis que leurs seigneurs et maîtres causaient chevaux et courses. The Ladies Benevolent Society, fondée en 1832, à la suite de l’ap-