hommes d’État improvisés. Avec cette faculté d’assimilation qui distingue les nôtres, ils entrèrent vite dans la peau de leur personnage. C’était comme s’ils avaient reçu les langues de feu en quelque mystérieux cénacle. Ils discutaient des problèmes les plus ardus de l’économie politique et des sciences sociales comme s’ils avaient passé à l’Institut de France. Quand Du Calvet, Jean Baptiste Adhémar, Jean Guillaume Delisle, Mgr Plessis, Papineau, M. Neilson, Mgr Lartigue, Denis Benjamin Viger, M. Cuvillier Morin parurent alternativement à la Chambre des Lords, chargés d’aller défendre les intérêts des Canadiens-français, ils provoquèrent toute une sensation dans ce milieu aristocratique qui comptait des hommes d’une réputation mondiale, à qui l’empire devait le prestige dont il jouissait dans l’univers. Un peuple qui produit de tels hommes n’est pas quantité négligeable, pensèrent les Lords.
Ils furent écoutés avec déférence. Si on ne leur accorda pas ce qu’ils demandaient, c’est qu’il n’était pas dans les vues de cette politique encore imbue des idées de Henri VIII et d’Élizabeth d’aller au-delà de certaines libertés qui n’engageaient pas l’avenir. Mais dès lors la tyrannie y mit des formes. On cessa de nous traiter comme un troupeau d’esclaves. Les ministres anglais daignèrent finasser avec les représentants du peuple. Ils mirent de l’eau dans leur scotch, moins par générosité que parce qu’ils avaient senti chez ces hommes d’une détermination farouche la volonté de mourir plutôt que de se laisser déposséder des prérogatives que leur avait concédées le traité de Paris.
— « C’est bien, messieurs les constitutionnels, poursuivez votre carrière de haine et d’iniquités, vous légitimerez par là tous nos moyens de défense, et ce n’est pas nous qui reculerons », s’était écrié Bourdages en plein parlement. Et après quelques minutes d’un silence empoignant : « Si vous en doutez, c’est que vous ne nous connaissez pas. » Un langage aussi énergique était de nature à faire réfléchir les autorités. Ils ont été bien coupables ceux qui ont laissé violer notre constitution lors de la guerre des Boers et de la Guerre européenne, quand nos pères avaient lutté jusqu’à la mort pour maintenir nos droits garantis par les