abandonnée. M. de Calonne, en adoptant les idées du français, son ami, va plus loin. Il prétend que l’unique éducation nécessaire au peuple est de savoir son catéchisme. Les écoles publiques sont dès lors très superflues, car c’est au clergé lui-même d’enseigner ou de faire enseigner le catéchisme. Nous sommes aujourd’hui rendus au point de perfection dans l’éducation. Ils pourraient encore revenir, ces jours heureux où le peuple s’achetait et se vendait avec le sol, où il était taillable et corvéable à merci et miséricorde, où l’esprit était serf aussi bien que le corps, et où la religion n’était plus un hommage volontaire rendu par la reconnaissance à une divinité bienfaisante, d’une manière conforme à sa volonté, mais un hommage extérieur et forcé inspiré par les bûchers et les roues… Pour nous, nous n’avons jamais pu apercevoir de liaison plus intime entre l’instruction religieuse et l’art de lire, d’écrire et de compter qu’entre l’instruction religieuse et le labourage, la construction des bâtiments, la navigation, l’exercice militaire ou les arts plus frivoles et de simple ornement comme la danse, le dessin, la musique… Ni les uns ni les autres ne supposent d’indifférence pour la religion, ni pour l’instruction religieuse. Si ceux qui trouvent à redire aux écoles destinées à l’enseignement de ces arts parce qu’on n’y enseigne pas aussi la religion, si ceux-là, disons-nous, veulent eux-mêmes les enseigner en tout ou en partie avec la religion, nous ne leur refuserons pas un juste tribut d’éloges ; mais qu’ils se souviennent que c’est à eux de procurer l’instruction religieuse au peuple et qu’ils ne renvoient pas cette obligation à ceux dont le devoir est de lui enseigner les arts nécessaires pour la conduite des affaires temporelles. Que personne ne suscite des obstacles à l’éducation générale, mais plutôt que tous aient compassion d’un peuple qui se trouve tous les jours obligé d’entrer en concurrence avec des étrangers dans le commerce et les affaires de la vie, sans avoir eu les mêmes avantages ; et qu’ils n’oublient jamais que sans peuple il n’y aurait point de religion et que l’extrême pauvreté est fatale à son influence salutaire ».
Notre presse n’a jamais eu d’arguments plus éloquents