bre ? Ce sont ces gens-là qui veulent mettre le trouble dans le pays. Le gouverneur cassera encore la Chambre si vous faites cela. — Eh bien ! dit l’habitant, si le gouverneur casse la Chambre pour ces gens-là, c’est qu’apparemment il trouve qu’ils prennent nos intérêts. — Et moi, dit le juge, est-ce que vous ne croyez pas que je sois du côté du peuple ? — Vous, répliqua l’habitant, je crois que vous êtes du côté de vos neuf cents louis ! »
Cette anecdote illustre aussi bien qu’un dessin d’Henri Julien la finesse du paysan canadien. On voit ses yeux pétillants de malice, le plissement des narines mobiles, la bouche narquoise qui ne lâche pas son brûlot pour pousser une pointe. On ne les « emplissait » pas facilement ces bonshommes presque toujours silencieux, qui en disaient aussi long par un clignement d’yeux que d’autres avec de longs discours.
Un paysan, qui avait lâché le manchon de la charrue depuis peu de temps se demande à propos de la brusque dissolution des Chambres par le gouverneur qui ne les trouvait pas d’assez bonne composition, ce qui a bien pu porter Son Excellence à faire usage d’une mesure aussi extraordinaire que celle-là. Évidemment le procédé, pour être radical n’en est pas moins ingénieux et doit faire rire nos politiciens : supprimer le parlement pour empêcher de parler les députés. Est-ce que dans ce temps, nos gouvernants avaient des opinions et se permettaient de les exprimer ? Ô progrès ! nos hommes publics sont aujourd’hui muets comme des carpes. Notre Canadien encore naïf se fait cette réflexion : « On veut avoir des représentants du peuple qui agissent suivant les impulsions qu’on voudra bien leur donner. Il vaudrait autant pour le bien public — et moins pour l’amour des beaux-arts — faire venir cinquante belles statues d’Europe pour représenter la province. »
Après cent ans, nous en venons à la même conclusion, qu’il vaudrait aussi bien avoir un musée d’oiseaux empaillés, d’hommes en cire ou en marbre, que les politiciens qui siègent à Ottawa sans pouvoir faire de politique, muselés par la majorité qui leur est contraire ! Que peut faire Québec avec les sept provinces belles-sœurs liguées contre elle, prêtes à l’écraser quand