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Papineau

ce de ses destinées. La pauvreté du vocabulaire indique que le peuple limité à un si petit nombre de mots a été arrêté dans son essor par quelque événement néfaste. L’abondance du feuillage dans un arbre accuse une saison favorable. Quand un long hiver a paralysé la sève dans les rameaux, les branches s’amincissent, la tête se découronne. Mais, lorsqu’on parcourt ces pages, écrites avec une plume trempée dans le sang et les larmes, on sent naître, en ce temps de fléchissement des caractères et des volontés, une foi robuste dans la noblesse de l’âme canadienne. Il est impossible qu’elle ne sorte de sa torpeur, si l’atavisme n’est pas un vain mot. Puisque la pensée de nos pères a triomphé de tant de difficultés pour arriver jusqu’à nous, il faut espérer dans une littérature qui a eu des commencements si ardus.

M. l’abbé Camille Roy dans Nos origines littéraires, traite comme quantité négligeable les pionniers de notre littérature : « Les classes dirigeantes de la colonie française et le clergé, surtout, allaient donc jouer un rôle dans la réédification de notre fortune politique. Pouvaient-ils tout aussi bien et aussi efficacement travailler à la création de notre littérature ? » écrit-il.

Il faut mettre les choses au point et le surtout sur le dos de qui il appartient. Ce fut l’élite de notre société surtout qui prit à son actif la charge de coordonner les éléments d’un monde futur qui ressemblait un peu à cette masse informe de l’univers avant que l’Éternel avec son «fiat lux» vint séparer la lumière des ténèbres. Le rôle du clergé, et pour cause, était de s’effacer. Son action indirecte devait se rendre invisible. Il eut le mérite de pousser les autres en avant, car il avait tout avantage à se faire oublier. Son influence planait déjà sur nos destinées, mais secrète et craintive. À part Mgr  Plessis, qui s’est affirmé souvent avec courage, les autres membres du clergé sont restés dans leur coquille. Ils furent également réticents dans leur production littéraire. Quant à travailler à la création d’une littérature, voici une antithèse de mots qui nous ahurit. On ne fait pas une littérature comme on casserait un verre.

« C’est donc la lutte pour la vie qui absorba pendant de