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Page:Côté - Papineau, son influence sur la pensée canadienne, 1924.djvu/100

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La littérature de l’époque

très longues années la meilleure et la plus grande part de notre activité », dit-il encore. N’en déplaise au critique québécois, le primo vivere n’exclua pas l’idéal de l’esprit des colonisateurs du pays. La douleur patriotique née de l’oppression étrangère fut plutôt un stimulant de la verve de nos premiers auteurs. L’amertume, en s’amoncelant dans les cœurs, ne s’y cristallisa pas, mais jaillit avec impétuosité.

L’Anglais, en voulant comprimer ce jet, comme un enfant qui met le doigt sur un robinet ouvert, en reçut dans la figure toute la lance fluide. C’est par les fers que notre pays accoucha de sa littérature. Un vent de libéralisme, venu on ne sait d’où, se mit à souffler dans les esprits, au grand désespoir de l’Église.

Et par lui, en quelques années, la face de notre benoîte province fut transformée. La société canadienne changea complètement d’aspect, d’idées et de caractère. Tous les mois, des journaux et des périodiques voyaient le jour. C’étaient, après la Gazette de Québec, la Gazette de Montréal, le Canadien, la Minerve, le Populaire, que les patriotes appelaient le « Popu », le Courrier, le Spectateur, de Montréal, l’Ami du peuple, le Courrier canadien, le Fantasque, et la Quotidienne, qui vint au monde en pleine effervescence révolutionnaire. Le directeur et l’imprimeur de cette spirituelle gazette, François Lemaître, fit quatre mois de prison pour des articles tendancieux parus dans sa feuille, ce qui ne l’empêcha pas après sa libération d’en continuer la publication. Avec autant d’esprit et de bravade que les mousquetaires Fournier et Asselin, Lemaître sut rendre furieuse comme une bande de dindons qui vient d’apercevoir un chiffon de flanelle rouge, cette soldatesque stupide et vaniteuse qui s’ébrouait sur nos places publiques. Ce qu’ils ont passé de mauvais quarts d’heure, piloriés par cette ironie cruelle !

Bah !… ils pouvaient écraser les « french dogs » de leur morgue méprisante, mais ils enrageaient quand ces derniers leur sautaient aux mollets ou leur barraient le passage avec une grimace de leur mufle.