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... Ainsi nous devisâmes toute la nuit, gravissant des sentiers escarpés, descendant des pentes abruptes, heurtant nos pieds à des pierres pointues, dents canines du vieux Tellus. Souvent nous longions de profonds ravins ; souvent, sur le granit glissant, nous pouvions à peine avancer. D’autres fois des pas se rapprochaient de nous dans les ténèbres, et nous forçaient d’abandonner le chemin battu. Mes guides couraient, comme des chamois, sur le flanc des montagnes ; moi je fatiguais ma voix et mes poumons à les suivre.

Au point du jour, nous avions franchi les deux lignes de douanes françaises ; nous avions laissé sur notre gauche le fort des Rousses, avec ses fortifications, ses ponts-levis et ses canons. Nous étions arrivés à Saint-Cergues, dernier village suisse, très rapproché de la frontière. Je m’arrêtai là, me proposant de découvrir le lendemain, du haut de la Dôle[1], la terre qui me donnait asile.




LES FRONTIÈRES.


96 Avant de me séparer des contrebandiers, je voulus savoir d’eux les limites de la Suisse et de la France. Ils me montrèrent une ligne irrégulière, à peine indiquée ici par un ruisseau, là par un bouquet d’arbres, une vertèbre de pierre ; et dans

  1. L’un des pics les plus élevés du Jura vaudois.