Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome I.djvu/210

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quand l’âge vient, elles achètent à leur tour les faveurs de jeunes gens imberbes qu’elles initient à d’énervantes pratiques.

Depuis, j’ai vu ces femmes associer leurs maris et leurs amants dans un commun opprobre. J’ai vu les filles des hommes se prostituer aux fils des boutiquiers. J’ai connu des maris qui vivaient de la débauche de leurs femmes, et qui spéculaient, devant la justice, de cet odieux trafic. J’ai connu de grossiers laquais que chérissaient de nobles dames, et des hommes au grand cœur, dont elles faisaient leurs jouets.

Et je me suis convaincu que toutes les femmes étaient à vendre, 106 depuis la plus pauvre jusqu’à la plus riche, et que leur possession était assurée au plus offrant. Et je me suis demandé si de pareilles amours valaient un battement de cœur, une course fatigante, une lettre, un serment, une émotion, un rêve ou un effort des sens ; si la femme du dix-neuvième siècle, qui couvre de si riches parures le vide de son âme, méritait un soupir, un rendez-vous, des nuits sans sommeil et des jours sans travail. Et comme la gloire, l’amour, si cher aux Dieux et aux hommes, ne m’a plus paru qu’une illusion amère dans un siècle d’argent.

Jeune homme à l’œil artiste, au cœur aimant ! agenouille-toi devant une statue de marbre, pleure dans la corolle argentée du lys, caresse le cou du cygne, demande un regard à la gazelle des déserts, la blancheur à l’ivoire, la noirceur à l’aile du corbeau. Aime un chien, un cheval, un livre.