Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome I.djvu/289

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animaux. L’homme est devenu plus beau, plus industrieux, plus puissant ; il a partagé les territoires à mesure qu’il les découvrait ; il a labouré la terre, percé 159 les montagnes, comblé les vallées ; il s’est pressé dans de magnifiques capitales, il a forgé, de ses propres mains, les chaînes serrées de la loi.

Comment cette vallée demeure-t-elle ainsi désolée, maudite à côté de l’opulente Genève et du riant Vevey ? Comment se fait-il que le chaos et la civilisation, le Valais et le canton de Vaud, se trouvent tels qu’ils sont, à la même époque, dans la même partie du monde, abrités par le même drapeau, « séparés seulement par l’épaisseur d’un jésuite ? »

C’est que les nations souffrent, comme nous, de la concurrence monopolisée ; c’est que tous les civilisés sont avares, tous les hommes primitifs superstitieux et toutes les religions intolérantes. C’est que, dans cette horrible guerre du Sonderbund, le Valais a subi les conditions du vainqueur ; c’est qu’il a été chargé de chaînes et d’impôts par ses chers confédérés. C’est que ces pauvres gens ont été abandonnés sans défense aux représailles de la nature.

Et la nature s’est montrée barbare et impitoyable ; elle a déformé le Valaisan, et vous demeureriez effrayés si vous compariez cette toute-puissante Némésis à sa triste victime. Debout, fière de ses épaules rocheuses et de ses torrents indomptés, la nature tient sous ses pieds l’homme suppliant,