Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome I.djvu/311

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« Gloire, ma grande amie, viens dans ma demeure, je te tresserai des couronnes de laurier, je t’enivrerai de parfums de myrrhe ; la table des festins sera dressée tout le jour. Je suis plus jeune et plus beau que tous ceux qui t’implorent, je resterai pauvre en te couvrant de richesses ; je veillerai pendant que tu dormiras. Je ferai deux parts du jugement des hommes : pour moi, les haines ; pour toi, les éloges si doux à l’oreille des femmes. Je te couvrirai de colliers d’or ; je te sacrifierai tout ce que les hommes ont de plus cher, le repos de ma famille et l’amour de mes enfants. Prends mon honneur et ma vie. Je ne te demande en retour qu’un nom, fût-ce le nom d’Érostrate ou celui de Napoléon III. Car je n’aime pas les filles de la terre aux larges pieds ; elles sentent l’argile dont elles furent pétries.

» Fleur du matin, refuge des affligés, île des grandes mers, maîtresse des anges aux longues ailes et des blonds séraphins, rose entre les fleurs, maîtresse préférée, reine des fêtes, la plus rouge des comètes qui aient fait saigner le sein du firmament, tu es plus douce que la fleur du lotus et plus meurtrière que l’épine du houx. Dût-il m’en coûter la vie, oh ! viens dans ma demeure ! »

Ces invocations à la Gloire, elles ont été répétées par tous les échos des Alpes de Savoie ; par les concerts des glaciers, par les sommets de Meillerie que chanta Jean-Jacques, par les neiges du Saint-Bernard que remua Bonaparte, par les pics des Aiguilles et les défilés d’Argentière qu’explo-