Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome I.djvu/350

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avec respect. La nuit avait jeté son voile sur le front de la Vierge Blanche,[1] et la voix de la terre s’élevait en chantant :

Gloire, gloire à la Liberté dans les cieux ! Et paix sur la terre aux hommes qui combattent pour elle !




Sept mois après, sur la place d’Altorf, des soldats autrichiens liaient un enfant contre un tilleul et lui plaçaient une pomme sur la tête. Un homme les activait à la besogne et se réjouissait à l’avance de l’atroce supplice qu’ordonnait son pouvoir oisif. Cet homme était Gessler, bailli de l’empereur Albert d’Autriche, qui condamnait Tell à abattre cette pomme sur la tête de son enfant.

Ô soleil d’Helvétie ! tu passas dans le ciel avec ta gloire accoutumée et tu ne daignas pas abaisser ton regard sur cette terre que souillait un valet, et tu ne lui brûlas pas les deux yeux !

Cependant, pour la première fois de sa vie, Tell tremblait ; ses yeux roulaient des larmes brûlantes : « Maudite, s’écriait-il, la femme qui m’engendra ! Maudite ma force, et maudite ma fatale adresse ! Maître des Univers, parce que l’aigle peut saisir un agneau dans ses serres lui ordonnes-tu de crever les yeux de ses aiglons ? Et vous, bailli Gessler, vous croyez-vous plus fort que Dieu pour le défier ainsi ?

  1. La Jungfrau.