Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome I.djvu/349

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surier, ne te déshonore pas comme le courtisan. Vis plutôt dans nos monts ; l’air des sommets donne l’agilité ; l’eau des glaciers, la vigueur ; le feu des sapins réjouit. Ici tu contempleras de près les cieux et les abîmes, ton âme se développera en se mesurant avec l’infini. Fils de Tell, ne laisse pas mon arbalète devenir l’héritage d’un homme qui ne saurait pas s’en servir. Souviens-toi aussi que je fus toujours plus fier d’abattre un chamois qu’un homme, et qu’il y a plus de mérite à franchir un torrent qu’à ramper lentement tout le long de l’échelle des grandeurs.


« Je l’espère, Dieu gardera ta jeunesse du spectacle des batailles et conservera mes mains pures de sang. Mais si l’on nous attaquait, qu’il nous épargne l’humiliation de la défaite, que nos mères n’aient pas à rougir de nous avoir portés, et que nos fronts altiers ne se courbent jamais sous un despotisme venu des plaines. Sur nos rochers sombres, la Liberté déploie ses ailes d’or ; nous avons été bercés par ce bruit, il est devenu cher à nos oreilles. En dehors de l’Helvétie, le triste esclavage tient ses bras meurtris le long de son corps qui tremble. Qu’il n’élève pas contre nous sa tête hideuse ; il fait trop froid dans la vallée d’Altorf pour qu’il n’y meure pas. Nous sommes prêts. Malheur à ceux qui cherchent la guerre, et trois fois plus malheur à ceux qui croient repousser le choc du fer avec de vains discours !

199 Ainsi parla le Libérateur. Son fils l’écoutait