Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome I.djvu/355

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bert ! Nous avons assis notre pouvoir sur l’échine des Alpes. Que tout rampe, que tout adore l’Autriche dans ces belles vallées ! Nous plongerons dans les prisons de Küssnacht ceux qui refuseront de nous livrer leurs garçons et leurs filles, et les chamois de l’Axenberg, et les génisses des troupeaux. Ils mordront la poussière des chemins et le fer des lances ; ils se découvriront devant nous. »

— « Baron Gessler, dit Tell, ce ne sont pas les hommes de ces cantons qui se découvriront devant votre chapeau, encore qu’il représentât tous les empereurs et tous les baillis de la terre. Nous ne saluons que Dieu ! »

— « Hallebardiers, cria Gessler, enchaînez mieux cet homme. Ne voyez-vous pas qu’il se soulève encore, et qu’il parle toujours. Archer maudit ! les cachots de Küssnacht sont profonds dans la terre, et leurs murailles épaisses comme les rochers qui bordent l’Érèbe. Nous te donnerons pour manoir le plus oublié de tous. Alors, sans doute, tu discourras moins. »

— « Dieu est grand, seigneur. Le lac est plus profond que les oubliettes de Küssnacht et les assises de ces montagnes plus solides que les murs de vos donjons. Avez-vous pensé, seigneur, au salut de votre âme ?

Gessler pâlit et ne répondit plus…

Cependant le grand lac s’émeut ; des nuages sombres tourbillonnent dans l’air, et se rapprochent des vagues écumantes. La tourmente qui s’élève des gouffres fait craquer les sapins sur les