Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome I.djvu/359

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

frez qu’on appuie le pied sur vos têtes couronnées !…

L’archer saisit la rame, il redresse l’esquif presque submergé, tournant la lame, l’évitant, et se jouant avec elle, comme un enfant s’amuse sur les bords de la rivière avec les flots qui meurent sur ses jambes nues. Et comme Gessler l’appelait son sauveur : « Assez parlé, baron, lui dit Tell, priez Dieu ; lui seul peut sauver des naufrages : songez au salut de votre âme. »

Voilà, voilà la rive ! le feu du ciel la fait resplendir dans son horreur sauvage ; elle est hérissée de mille morts. L’Axenberg escarpé s’enfonce à pic dans le bassin des eaux. Il n’y a que Guillaume Tell qui sache où peut poser le pied d’un homme sur le penchant de la géhenne. Il se dirige vers ce point, un grand éclair 205 traverse l’espace ; à sa faveur il s’élance, et se cramponnant aux crevasses du roc, il repousse du pied le bateau qui portait Gessler.

« À l’abîme, à la mort, baron ! le salut de la Suisse l’ordonne ! Songez à votre âme ! »

Dans l’immense étendue la vague répond à la vague, le cri du vent au cri du vent. Et quand ces grandes voix se taisent, on peut distinguer les malédictions d’hommes qui luttent en désespérés contre la plus atroce des agonies.

Gloire, gloire à la Liberté dans les cieux. Et paix sur la terre aux hommes qui combattent pour elle !


Qu’il était grand le Libérateur haletant au mi-