Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome I.djvu/419

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

plainte, comme je ne reconnais à aucune réunion d’hommes le droit de juger, comme il ne peut être question que de vengeances dans une société héréditairement propriétaire, je me vengerais moi-même, comme je l’entendrais.

Alors, s’écrieront les bourgeois, notre ordre social est donc à la merci du premier misérable venu ?… Et si ce premier misérable venu est à la merci, lui, de votre ordre social, de votre sécurité et 244 de votre propriété ? Et si votre ordre social, votre sécurité, votre propriété exigent que ce misérable soit dépouillé de sa part des biens communs, de ses droits naturels, de la vie même, il faut donc qu’il respecte tout cela ? Allons donc !

Oui, bourgeois, la lutte est engagée dans ces termes entre la société et l’individu. Oui, tout condamné a le droit de fusiller le premier juge venu, car tous les membres du très-illustre corps de la magistrature sont solidaires dans les conséquences de l’homicide légal. Nous faisons de la barbarie, vous faites de la civilisation ; je ne sais où est la plus grande cruauté, chez vous ou chez nous. Puisque vous voulez conserver vos privilèges, résignez-vous à la guerre et au duel dans lesquels les chances de mort sont égales pour les deux adversaires.

Ah ! vous êtes au-dessus de la nature humaine ; vous êtes infaillibles ; vous êtes prudents, jurisprudents, jurisconsultes, jurés, juges, arbitres, experts, dialecticiens, rhétoriciens, criminalistes, philanthropes, docteurs, professeurs, ba-