Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome I.djvu/456

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sang d’un homme vaut celui d’un autre, et sur quelque terre qu’il soit versé, la Liberté pleure un fils et lui assure un souvenir parmi les nations.

« Il y a vingt ans, avant ce règne de corruption et de fange qui noya dans l’orgie la jeunesse de France, nos étudiants étaient autres qu’ils ne sont aujourd’hui. Ils savaient manier les armes, et quand la mitraille grondait par les rues, ils aimaient à prendre l’air. C’était le temps où, libres des préjugés et de la mode, les jeunes hommes étaient braves, galants et forts. Ils chantaient de joyeux refrains et ne trompaient pas les pauvres filles.

« Le pouvoir les craignait. Leur quartier était sillonné d’associations redoutables dont les ramifications s’étendaient dans les provinces et à l’étranger. À cette époque, ils pouvaient, sur un signe, faire trembler toutes les têtes royales. Ils étaient honorés. Où que ce soit, les hommes sont estimés selon l’habit qu’ils portent. Quand il se soulève contre le pouvoir, l’ouvrier fait de l’égoïsme ; et l’étudiant, du dévouement. Voilà ce que dit la foule, et elle entoure de sa considération les étudiants chaudement vêtus.

« Le 27 juillet 1830, le soleil fut bordé de sang. Une corneille laissa tomber sur le dôme du Panthéon un rameau de cyprès. Les soldats et les hommes du peuple furent réveillés par le rappel des guerres civiles. Les étudiants revêtirent leurs habits de fête et coururent à la mort : — à la mort, la noire fiancée, plus exacte au rendez-vous que