Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome I.djvu/72

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comme le noyé bénit le nageur qui le dispute à la rage des flots.

Loin de moi les amitiés toutes faites qu’imposent les liens de famille ou les calculs d’intérêt. Je me refuse à aimer, fût-il mon frère, celui vers lequel je ne me sens pas attiré par une irrésistible sympathie. Je veux choisir mon ami, l’éprouver dans l’isolement et le malheur où nous sommes nus tous deux. Il me répugne d’être forcé de le prendre là où il est convenu que je dois le trouver. Hommes avides ! ruez-vous sur les mines d’Australie ; là seulement vous trouverez de l’or, et si vous aimez ce qui brille, vous pourrez en faire provision. Mais si vous aspirez au bien plus précieux de l’amitié, ne le cherchez pas dans la foule de vos parents ou de vos connaissances. Là vous ne rencontrerez que la discorde et l’envie, là vous ne comblerez point le vide de votre cœur.

Frappe le fer, ami, et que plus rapides que mes heures de solitude, s’écoulent tes heures de travail !

Il est à plaindre celui qui n’eut jamais d’autre amante qu’une épouse et d’autre ami qu’un frère. Il ne connaît ni les transports de l’amour, ni les épanchements de l’amitié. Oh ! la froide couche 16 que le large lit nuptial ! Oh ! les embrassements glacés que les embrassements fraternels ! Oh ! le sombre monde que celui que n’illumine pas l’éclair des passions !

L’amitié comme l’amour est une passion, et les