passions doivent briller puisqu’elles sont naturelles. Or elles ne brillent que par le choc des contrastes. On ne peut pas faire davantage son ami de son frère, qu’on ne peut faire sa maîtresse de sa sœur. Quel grand poète rabaissa jamais son génie à nous représenter des scènes conjugales et des amitiés de famille ?
Les faits parlent, et ce n’est pas moi que surprendra leur accablant témoignage. Ils disent que l’amitié n’est solide qu’entre les réprouvés que fait le monde. Il y a des affections véritables parmi les filles publiques ; les voleurs partagent équitablement leur butin ; les brigands ne se trahissent point. Et les grandes dames se déchirent ; les banquiers se volent ; les gouvernants s’assassinent : la terre est une vaste école d’espionnage. Est-ce ma faute si les faits ne sont pas à l’avantage de la société légale, et si elle vaut encore un peu moins que le gibier de potence ?
Un déplorable malentendu pèse sur la société civilisée, et se traduit dans toutes nos expressions. Les notions conventionnelles que nous comprenons aujourd’hui sous le nom d’intérêt, de morale et de destinée sont contraires à la véritable morale, à notre intérêt réel, à notre destinée naturelle.
Notre destinée est-elle d’être heureux ou de souffrir ? La véritable morale recommande-t-elle la jouissance ou la privation ? Notre intérêt réel