Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome I.djvu/79

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lui qui n’a pas la force de vous affronter se taise ; jamais personne n’empêcha vos mugissements.

J’aime la vaste mer, libre fille de Dieu, caressant capricieusement tous les vaisseaux du monde ; j’aime le chant des matelots hâlés, le cri de l’hirondelle marine, la voix rauque de la tempête déchirant ses poumons d’airain dans l’espace, l’éclair qui suspend sa rouge flamme à la pointe des mâts, les vagues tour à tour calmes et furieuses : j’aime aussi l’opinion publique, la fière enfant de l’homme, câline et meurtrière tour à tour ; j’aime ses changements imprévus, ses brusques retours, sa bouche de fer, ses sympathies et ses rages : tout, jusqu’à son ironie.

Pour cette opinion bâtarde, esclave des préjugés, courtisane des partis, qui bat le pavé des grandes villes pour mendier des amants riches et méprisables, je défie son impudeur.

Honte à l’homme pusillanime dont la crainte du ridicule paralyse la voix lorsque son cœur bat fort ! Comme toutes les autres, la passion de la publicité n’est mauvaise que lorsqu’elle tend vers un but mesquin par des moyens blâmables. Au contraire, les grandes émotions de l’âme ont un accent de vérité, de conviction, j’allais dire de tristesse et de souffrance, qui commande aux hommes. Jamais bateleur, érudit ou avocat, n’émurent la foule comme un vers de Tyrtée.

À y regarder de près, les moules dans lesquels est coulée l’argile humaine sont moins nombreux qu’on ne l’imagine. Si les formes varient suivant