Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome II.djvu/109

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— Car toutes les langues actuelles fourniront à la langue future leurs termes les plus usités. Ces termes sont en effet comme les étiquettes voyantes que les peuples collent sur leurs costumes les plus remarquables afin qu’elles surnagent aux déluges transformateurs.

Le français restera la langue-mère d’où sortiront les langues nouvelles. Je donnerai donc à mes livres le français pour souche, et sur cette souche je grefferai toutes les expressions qui me conviendront, sans indiquer, par notes explicatives, à quelles sources je les puise.

Ainsi je résumerai tout autant qu’on puisse le faire dans le langage les mille phénomènes de décomposition, de recomposition, d’altération, de variation, d’hésitation, de transformation enfin de la nouvelle parole, et par suite de la société qu’elle représentera.

Et de même que l’usage fait des langues avec les patois, de même que le bon droit, la persévérance et le temps convertissent les minorités en majorités, de même avec le travail, les années et la discussion, mes idées rejetées d’abord de la plupart des hommes, seront ensuite démontrées vraies, même aux plus simples. Je ferai donc comme les prophètes ; je ne céderai pas aux bruyantes réclamations du plus grand nombre, je n’adopterai ni ses idées ni son langage : j’attendrai qu’il vienne à moi. Tel est mon bon plaisir !