Si la France ne peut plus imprimer les idées nouvelles, la Belgique, la Suisse, l’Angleterre, la Hollande, l’Amérique, avides de gain, se chargent de le faire. Cela revient au même aujourd’hui que des communications rapides et fréquentes relient tous les peuples, aujourd’hui que la Contrebande au pied leste saute en sifflant par-dessus le corps des douaniers dormeurs.
Si la censure officielle rend les journaux français nauséeux à lire et à écrire, il en résultera forcément que les littératures ancienne, étrangère, et celle de l’exil seront bientôt mieux connues et plus appréciées chez nous. Déjà se multiplient à Paris les traductions des auteurs de l’antiquité, celles des grands écrivains d’autres pays, et les éditions populaires à bon marché. La Bibliothèque-Charpentier, la Librairie nouvelle trouvent leur compte à ces entreprises. L’Allemagne, l’Angleterre, l’Italie, l’Orient, les âmes de la vieille Rome et de la Grèce olympienne se réjouissent de la publicité que nous donnons à leurs œuvres. Ainsi l’éducation 68 française, si grandement défectueuse en ce qui regarde toute autre littérature que la sienne, se perfectionnera pendant les temps de mutisme que nous traversons ; ainsi la nation pourra se pénétrer des grandes maximes de justice et de liberté contenues dans tous les chefs-d’œuvre qui sont le patrimoine du genre humain.