Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome II.djvu/133

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Oh les sociétés à l’appétit bestial ! Oh le Pouvoir borgne qui ne voit rien, sinon que son existence éphémère est toujours menacée par un poignard aiguisé dans l’ombre ! Le Pouvoir ignorant qui supprime des journaux insignifiants et criards, qui s’inquiète des innocentes caricatures du Charivari, mais qui laisse imprimer, réimprimer et circuler partout l’Évangile, Dante, Byron, Goëthe, Rabelais, Molière, J. de Maistre et Proudhon ! Mais, Pouvoir paresseux et émeutier, tu n’as donc jamais rien lu ni rien su, que la Révolution te fasse perdre si facilement sa trace, sa trace éclatante comme le jour qui nous éclaire ! Oh pitié, pitié sur eux, les gouvernants, les pauvres d’esprit : ils ne savent pas ce qu’ils font ! — Kyrie eleison !

Moi, je sème en chantant !


XXVI


Je prévois la prochaine conclusion d’un traité de libre commerce entre la France et l’Angleterre, traité qui ne permettra plus aux seigneurs des gabelles d’exercer sur les voyageurs la dictature du sondage et du fouillage à vif. Alors les livres des proscrits franchiront les frontières qu’ils assiègent depuis si longtemps. Si cette littérature sait se rendre intéressante, elle ne pourra suffire aux demandes qui lui seront faites de toutes parts : l’homme, la femme surtout, la fille d’Ève la chatouilleuse, sont tellement avides du fruit défendu !