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Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome II.djvu/172

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les géants des Alpes ressemblent à des chevaliers fidèles au rendez-vous. Tandis que les sommets gris du Jura, dans leur humble contenance, paraissent leurs pages, leurs petits pages empressés et discrets.

— Tu ne trouverais pas ma comparaison trop ambitieuse, lecteur, si tu savais flâner comme moi, parmi ces magnificences, si tu ne croyais pas avoir tout fait en voyage quand tu as passé douze heures de jour à courir les grandes routes. — Les grandes routes toujours poudrées, peignées et attiffées, toujours banales, toujours publiques comme les grandes rues, les grandes villes et les grandes dames. —

Les monts des Meilleries inclinent leurs chevelures noires vers les eaux agaçantes. Le Jura tout embarrassé se tient à l’écart. Il ne peut adresser ses œillades assassines qu’aux plus petites vagues, à celles qui viennent furtivement dans les baies et les golfes, comme en des antichambres, se faire embrasser par les effrontés promontoires. Les éléments échangent des soupirs d’amour. La nature est calme, radieuse, heureuse en l’absence des hommes. — Ne me parle pas, dit l’onde au rocher, aimons-nous en silence ; l’amour est dans les yeux !


Les vagues lèchent les pierres, les joncs et les troncs d’arbres. Debout sur un récif, je suis nu, frissonnant du désir de les mordre, de me désaltérer à leur fraîcheur limpide. Je les appelle ainsi :

À moi, venez à moi, les belles vagabondes ; em-