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Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome II.djvu/183

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Adieu ! sapins des monts, pittoresques châlets, et vous, grandes Alpes, qui me saluez de loin, inclinant vos fronts chauves sur vos cous blancs de neige !

Adieu ! temple de Tell, donjon de Bonivard, ossuaire de Morat, verts sommets de Grandson ! Adieu ! Grütli si grand dans la mémoire des hommes ! Vous m’avez racheté de plus d’un esclavage !

Adieu ! joyeuses milices qui marchez en chantant ! Adieu ! les étudiants simples et travailleurs avec lesquels souvent j’échangeais des pensées ! Adieu ! carabiniers adroits, chasseurs intrépides, robustes guides des montagnes, horlogers artistes, francs buveurs, fantasques jeunes filles qui vous promenez le soir par les sentiers touffus, quand la lune se penche sur le miroir des flots. Émotions, charmes et rêves, adieu !

Adieu ! les bois, les parcs, les gazons verdoyants sous les haies embaumées ! Adieu les heures si courtes quand on s’égare à deux et qu’on prend des baisers en parlant des étoiles ! Adieu, félicité !

Adieu ! troupeaux heureux qui rentrez quelque part au coucher du soleil ! Moi, je ne sais point où je puis m’arrêter. Adieu ! chèvres, brebis, chamois, vers luisants et grillons qui buvez la rosée, qui broutez l’herbe tendre ! Il me faut plus qu’à vous pour traîner sur la terre l’existence si courte.

Adieu ! la barque blanche sur le Léman limpide. les brises, les orages, les gelées rigoureuses argentées ; de soleil ! Adieu ! les beaux étés, les prin-