Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome II.djvu/182

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joyeux prisonnier sur l’échelle de corde a posé son pied sûr ; il descend des créneaux qui le tenaient captif jusque dans les campagnes où le matin bientôt promènera ses pas.

Le carnage est fini. Sous un monceau de morts s’éveille le soldat blessé. Ennemis et amis, de son bras frémissant il écarte les cadavres qui l’entourent : Ô clarté de la lune, s’écrie-t-il, ô divine espérance, ô pays, ô ma mère, ô terre, ô firmament, résurrection, amour : salut, salut trois fois ! !


Ainsi moi, banni du monde, méprisé, traqué, blessé par les hommes, ainsi moi, seul et libre, à cette heure de la nuit, à ce grand lac qui dort, aux vents qui le caressent, à ma belle Helvétie j’adresse mes adieux :

Adieu ! terre que j’aimai, comme on aime sa mère ou bien sa grande amie, dès que je pus te voir !

102 Adieu ! fertile oasis, racine des montagnes, source des fleuves, berceau des plaines, miniature d’un grand monde avec ses eaux, ses peuples, ses forêts, ses vallées, ses rocs et ses collines !

Adieu ! bannières des cantons souverains, bannière de fête et de combat, vous qu’on déployait dans les journées sanglantes, au milieu du ferraillement des épées, du bruit sourd des massues, du fracas des rochers croulants et des nuages de flèches qui sifflaient par les airs ! Adieu ! croix fédérale !

Adieu ! glaces, abîmes, torrents, sites sauvages !