Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome II.djvu/200

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D’abord ces aiguilles et ces dents de neige sont légèrement rosées. Elles ressemblent à ces beautés de l’Inde qui consacrent leur verte jeunesse aux autels du Soleil ; — ou bien aux vestales romaines ; — ou bien aux pauvres filles qui prennent le voile de célibat et de deuil ; — ou bien encore aux boutons naissants sur le sein des vierges et les rameaux mousseux du rosier. — Ou bien même, quand toutes ces cimes sont rassemblées dans la robe diaphane, on dirait la nymphe des solitudes glacées étendue sous une couche de gaze et de feuilles de roses.


Puis toute la chaîne se colore d’un rouge sombre. On la prendrait pour le toit qui protège la terre ; — pour un guerrier sanglant qui s’étend après le combat sur son lit de repos ; — pour un 114 brasero d’argent qui laisse échapper mille langues flamboyantes ; — pour un immense incendie qui mord dans la neige et que fouette le vent de ses lanières stridentes.


Elle prend ensuite une teinte d’or comme si elle avait été passée par le procédé Ruolz, comme si elle était le casque, la couronne, le bouclier, le trône du Dieu des solitudes.


Tout à coup l’Alpe entière devient blanche comme un lit nuptial, comme un pain de sucre colossal que lèchent les nuages de leurs langues rougeâtres. — Souvent alors le Mont-Blanc ressemble à un