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Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome II.djvu/232

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VI


J’ai promis quelque part de dire mes idées sur la Patrie future. Les voici :

La terre promise à tout révélateur je la vois à l’horizon, je sens la brise embaumée qui court sur ses collines, j’y touche mais je ne l’atteindrai pas ; non, je ne foulerai pas son sol couvert de fleurs. Ici je mourrai, sur ce terrain aride, tendant mes bras vers elle, comme Moïse mourut en vue de Chanaan !

Ainsi le matelot qui, près d’heureux rivages, lutte contre la mer grossie par la tempête. À travers les brouillards du matin il distingue l’écharpe bleue des monts ; les vents lui apportent la senteur des plantes et le chant des oiseaux. Mais il sait qu’il n’abordera point, il sait qu’il doit finir ; il entend le hurrah de l’implacable tourmente heureuse de tout briser.

137 Et cependant je l’ai conçue dans mon âme, cette universelle Patrie, ce pays inconnu des gens aux mains rapaces !

Dans toutes les contrées que j’ai parcourues j’ai laissé des amis auxquels me rattachaient des pensées sympathiques, sur qui je croyais pouvoir compter toujours. Eh bien ceux-là même ont cessé de correspondre avec moi ; ils ont voulu débarrasser leur chemin d’un personnage compromettant. Je ne leur en veux pas, la société les roule ; moi j’en suis affranchi.