Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome II.djvu/249

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sous-préfet, du percepteur de l’Empire et de MM. les gendarmes préposés à sa garde ! Dites toujours que je ne vous ressemble pas, que je ne ressemble à aucun de vos auteurs ! Vous m’outrageriez en me comparant même aux plus illustres ; je suis tout autre qu’eux. Faites-moi l’honneur de le croire et pour vous et pour moi.

La lueur de l’éclair est différente de celle des astres, l’aile du halebrand de celle du pierrot, l’oiseau pillard des villes. Ainsi mon style qui n’a pas eu de modèles et restera sans imitateurs ; ainsi que mon existence aux allures capricieuses, aux habitudes errantes.

147 J’ai pris l’exil à cœur. J’ai voulu démontrer qu’on pouvait en tirer grand parti, qu’il affranchissait l’homme des mesquines vanités nationales, municipales et politiques, qu’il le détachait des préjugés du présent, qu’il lui dévoilait les horizons de l’avenir, qu’il le confondait avec l’humanité. À ceux qui me disaient perdu j’ai prouvé qu’une volonté de fer pouvait tout dominer, qu’une voix d’airain se faisait entendre de partout, qu’il n’était pas de désert pour le prophète, qu’il revenait de très loin, qu’il voyait de très haut.

J’avais les peuples pour auditoire : donc il m’a fallu parler plus fort que si je m’étais adressé seulement à l’un d’eux. Les douanes s’opposaient à la diffusion de mes pensées : donc il m’a fallu les jeter à tous les vents ; à Bruxelles, à Turin, en Suisse, à Londres, au milieu des proscrits, dans les sols les plus stériles. Les ennemis de la