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Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome II.djvu/261

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tes, ce n’est pas pour insulter à sa dignité, pour toucher son ouvrage du bout de mes doigts blancs, pour le décrire, lui, comme un sujet d’histoire naturelle, une machine à production ! Non, c’est pour prendre des leçons de persévérance, de courage, d’utile savoir et d’égalité d’humeur ; c’est pour sentir sa main dans ma main, c’est pour lire au fond de ses yeux et de son verre ; c’est pour observer l’homme là seulement où l’on peut encore le connaître.

Recueille-toi toujours, mon âme, devant l’Infini !


Ces gens-là, les bourgeois de mon endroit, me recevront amicalement du bout des lèvres ; ils m’inviteront à leurs thés économiques, à leurs parties de langue et de calomnies. Ah ! que nous vous aimons, diront-ils. Et sur ce coup-là, les femmes surtout prendront quelque singerie nerveuse. — Un seau d’eau fraîche, s’il vous plaît !

Mais chose singulière ! Pourquoi me regardent-ils de la sorte ? Pourquoi font-ils cercle autour de moi ? Pourquoi m’adressent-ils la parole ? — Homme ! défie-toi de leur politesse. Les bourgeois sont en dessous comme des fouines. Ils te parlent, donc ils te trompent ; ils te saluent, donc ils te détestent. Ces axiomes sont irréfutables, comme celui du plus court chemin par la ligne droite.

Oui, lorgnez-moi bien, colimaçons. Vous n’y verrez absolument rien ; je veux rester impénétrable à tous. Je vous connais, donc je vous mé-