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Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome II.djvu/298

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XV


Quand le soin de notre conservation exige que nous égorgions des animaux, nous ne sommes pas libres de ne pas le faire ; nous avons encore les muscles rouges et la dent carnivore. Mais quand ces sacrifices ne servent qu’à nos plaisirs, n’hésitons pas à les supprimer. Le paganisme immolait aussi pour ses Dieux des êtres vivants, et les hommes même tombaient sous son couteau sacré. Tout cela n’est plus ; il en sera de même des courses de taureaux.

Je ne saurais dire combien me font de mal ces cruautés inutiles. Je suis chirurgien ; je puis couper sans émotion la jambe d’un homme que j’espère sauver, mais je ne puis voir assommer un animal sans une grande tristesse.

On répète que la vie de quelques taureaux ne saurait être mise en comparaison avec les jouissances que leur mort procure à tout un peuple. Je demande à mon tour si ces jouissances sont naturelles ; — si la première fois que les enfants sont témoins de ces scènes barbares, ils ne pleurent pas ; — s’il ne faut pas toutes les leçons de leurs parents, le respect humain et l’habitude pour leur faire surmonter ce dégoût ; — et enfin s’il est avantageux de combattre des répugnances tellement instinctives ?…

On se paie d’ailleurs d’une raison que l’on sait fausse ; on prétend que le taureau ne souffre point