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Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome II.djvu/312

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mes aux tailles élancées, aux mouvements agiles, aux longs cheveux noirs, aux regards pleins de feux ; tendresses sauvages, orgueils mutins, coquetteries naïves ! vos fières ardeurs ne sauraient-elles donc être déchaînées que par la vue du sang ? N’est-il pas des luttes plus 188 délicieuses et dans lesquelles vous excellez davantage ? N’aimez-vous pas mieux voir un homme baiser vos petits pieds qu’un taureau mordre la poussière ? Vos mains de fées ne sauraient-elles pas mieux tendre une échelle de soie qu’applaudir à propos aux coups d’estoc d’un matador ? Et ces exclamations entrecoupées que vous gaspillez dans les cirques, ne vaudrait-il pas mieux les répandre sur l’amant qui se meurt dans vos bras ? Tout cela est permis, tout cela est béni, tout cela nous enlève un instant à ce séjour de douleurs pour nous emporter dans les cieux !

L’amour console, grandit, élève. L’insensibilité vaniteuse aigrit, rapetisse et nous aplatit la tête comme celle du serpent. La femme passionnée communique une vie nouvelle à son amant. La femme insensible se prend à rire lorsque le taureau meurt. L’amour est plein de luttes, de périls et d’obstacles qui le font chérir à tous les cœurs généreux. La boucherie des taureaux est lâche et sans dangers imprévus. Anges gardiens de l’humanité, femmes, aimez à faire vivre et n’allez pas voir ceux qui ne savent que tuer.

Telle la femme, telle la nation. Malheur au pays dont les plus nobles filles se sentent attirées par les formes athlétiques d’un matador ! Malheur au