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EL PRADO.




Madrid, Julio 1853.


« L’aigle qui plane sur les eaux aspire à un
autre air et regarde, inquiet, le vieil Océan. Il
en est de même de l’homme qui se trouve au
milieu de la foule où il a peu d’amis. »
Le chant suprême. — Poésie d’Islande.


I


189 Ce soir, comme tous les autres, le firmament prendra sa plus belle robe d’azur, les étoiles se presseront dans les cieux, la foule me fatiguera de son bruit monotone, la lune éblouira mes yeux comme un vivant soleil.


Mais jusqu’à la venue de ces heures de repos, le froment grille dans le sillon, le ciel est brûlant comme du plomb fondu, les bêtes des champs hurlent la soif, la cigale appelle au feu, le bois se fend, la sève est tarie, le sable et la poussière s’embrasent, la vigne-vierge se meurt sous les transports de soleil. Et le Mançanarès roule à peine un filet d’eau pour pleurer la stérilité de ses rives. Et la fleur s’incline sur les ruisseaux. Et du fond de ses abîmes la terre crevassée crie : de l’eau ! de l’eau !