Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome II.djvu/317

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se dilate dans la nuit, de même l’âme de l’homme se détend par l’adversité. Je ne suis pas joyeux, j’aime les tableaux tristes. Qu’on me montre les côtes de l’humide Bretagne, les criques déchirées de la Suède, les steppes de Russie, des déserts, des tombeaux, des églises, une exécution à mort, le choléra, la famine… mais pas le grand soleil, le soleil glorieux !


L’avouerai-je ? Je me prends bien souvent à regretter les brouillards de Londres, les nuages qui lèchent les toits de leurs langues grises, la maison de briques enfumées, la fenêtre sans horizon, la pauvre chambre de travail.

Là du moins je pouvais à l’aise caresser mes blessures. Là les astres et les gens ne sont pas curieux. Confortables partisans du libre at home, ils se garderaient bien de se réjouir en public ou de déranger, dans l’exécution de ses projets, l’exentric insulaire qui a résolu de se couper la gorge pour se délivrer du soin de faire sa barbe.


Tandis qu’à Madrid tout brille d’un éclat qui fatigue, tandis que les Espagnols déploient des joies et un luxe plus impudent que celui de l’éternel dans les cieux. Ah ! maudits soient les pays du soleil ! Maudites leurs beautés et leurs pompes, maudite la gaité de leurs habitants !

… Ainsi je parlais tout haut en marchant, lorsqu’à mes côtés une voix fraîche et moqueuse dit ainsi : Qui donc se plaint que la nature soit