Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome II.djvu/329

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de la vie comme la possédait cet homme. Vos pères cependant le laissèrent détrôner par un prêtre artificieux et un soldat brutal. Si j’avais vécu dans ce temps-là, j’aurais défendu le royal Sardanapale.

» Fils d’Adam ! depuis six mille ans que vos générations fatiguent la terre, vous n’avez pas vécu seulement un jour. S’il vous convient de souffrir, cessez de vous plaindre, car votre misère est votre ouvrage. Il dépend de vous d’être heureux.

» Allons ! la vie est courte, et le bonheur est bon. Les épines sont de toutes les saisons, les fleurs de quelques-unes : hâtons-nous de les cueillir. En avant ! la hache au pied des banques, la torche aux autels, la mine dans les entrailles du sol accaparé ! Chacun a droit aux richesses du globe. La terre est assez féconde pour nourrir tous ses enfants. »

Mais je ne suis ni puissant ni riche :

L’exilé n’est pas de ce monde.


Et seuls les riches, les puissants ont le droit de parler aux hommes. Ils ne leur disent pas ce que je leur dirais et s’en font écouter. — Malédiction !

Eh bien ! il était pauvre, il était seul aussi ce Diogène dont l’humeur noire s’égayait tant de la comédie de ce monde. Il était pauvre, il était seul aussi ce Dante dont l’âme poétique souffrait tant en composant la comédie divine. Comme eux je rirai, je 200 pleurerai de rage, puisque je ne peux ni rire de joie, ni pleurer d’amour.