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Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome II.djvu/347

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je ne reverrai plus… Et toi, la brune Séville : je vous chante aussi !

« Oh ! donnez, donnez au pauvre ciego !


« Rois des rois, soleil, je t’aimais tant ! Quand je vins au monde tu parus au sommet de la Sierra des neiges, tu brillas sur mon 213 front. Ma mère y vit un heureux présage et tout le jour suivit ta course dans les cieux. Quand tu fus au plus haut de la voûte, elle rêva que je deviendrais grand. Quand tu plongeas, tranquille, dans les vagues des mers, elle espéra que ma mort serait exempte de douleurs.

« Soleil ! tu ne m’as pas apporté la gloire. La déesse dédaigneuse n’agrée les hommages du pauvre que lorsqu’il a gagné des palais pour la recevoir. Mais tu m’as aveuglé, soleil ! et je traîne après moi la plus cruelle des morts !

« La Mort qui n’a plus ni rires ni pleurs dans ses yeux blancs ! La Mort qui s’assoupit le jour et veille la nuit ! La Mort qui ne connaît plus le Sommeil, son frère ! La Mort qui chante le soir pour gagner le pain du matin ! La Mort de l’aveugle maudit dans sa personne, dans celles de sa femme et de ses enfants ! La Mort de l’aveugle cheminant à tâtons vers une tombe qui recule toujours !

« Oh ! donnez, donnez au pauvre ciego !


« Et je te sens, soleil terrible ! Tu es là, sur mes yeux, sur mon cœur ; tu cours sur mes bras, sur les cordes de ma guitare. Toi qui embrases le