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maigres et leurs bras allongés se dessinant à l’horizon comme des sillons d’éclairs.


VII


Quand nous fûmes seuls, la Prophétesse et moi :

« Je te connais depuis longtemps, me dit-elle. Je l’attendais cette nuit aux bords du Jarama ; et j’étais certaine que tu viendrais, car je suivais des yeux la belle étoile qui te guidait vers moi. Depuis ta naissance je m’attache à ton destin. Je n’ignore pas qui tu es, d’où tu viens, pourquoi tu as quitté les plaines de France ; je sais plus que cela, car je sais où tu vas.

» Je ne te reproche pas l’élan irrésistible qui te portait à mes genoux. Tu n’en étais pas maître : aucun rebelle ne s’approche du feu sans que son cœur ne flambe. Je n’en suis donc ni dédaigneuse ni fière. Mais si mon corps est au sol, mon âme est à celui qui, dans les entrailles du globe, allume les lacs de salpêtre, rougit l’or et liquéfie le diamant. Cesse donc de me convoiter pour tes désirs mortels. Je ne puis vivre qu’avec des hommes libres de toute contrainte. Écoute-moi seulement et recueille les paroles que l’Esprit m’ordonne de te dire :


» Te souvient-il des jours de ta jeunesse ? Te souvient-il des chasses bruyantes que tu menais par la campagne avec les 228 hommes aux fusils sonores et les chiens aux dents cruelles ? Alors tu