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Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome II.djvu/369

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avais la jambe agile, la voix étendue, la prunelle perçante, ne craignant ni l’éclat de midi, ni les ténèbres du soir. Te souvient-il que tu voyais accourir de loin les oiseaux des champs sur leurs ailes rapides, que tu tournais de leur côté ton arme inévitable, que tu faisais éclater sous ton doigt la foudre et le tonnerre, et que les pauvres tournoyaient dans l’espace, criblés, mutilés comme des chiffons ? Te souvient-il d’avoir ainsi donné bien souvent à la vie joyeuse le hideux aspect de la mort ? »

— Il m’en souvient, ô femme, je le regrette amèrement.

— « Cependant tu n’étais pas cruel, tu n’aimais point le meurtre, et quand tes chiens revenaient près de toi, la gueule remplie de plumes sanglantes, tu les repoussais avec colère. Tu n’étais point altéré du souffle de la vie, tu ne te destinais pas à l’horrible métier de la guerre inventé par les hommes pour se détruire plus vite. Pourquoi donc chassais-tu ? Pourquoi, dans le pays, jouissais-tu du renom de ce Nemrod assyrien, le fort devant l’Éternel ? Pourquoi, près des villages et des fermes perdues, le soleil s’irritait-il de voir toujours ton maigre profil et tes canons étincelants de lumières et de feux ? »

— Moi je ne sais, ô femme, et pourtant je voudrais bien l’apprendre.

— « Et je vais te le dire. Écoute encore :

» Un soir que tu revenais, mécontent du succès de la journée, tu vis bien loin, aux lueurs du crépuscule, un corbeau centenaire. Il s’était fait un