quoi me raconter cette histoire déjà vieille ? Il y a de cela sept ans.
— « Écoute et tu vas comprendre :
» Les Corbeaux, ce sont les oiseaux de mauvais augure qui se plaisent dans les manoirs déserts, près des fermes désolées, au faite des cathédrales où l’on encense encore les religions mourantes ; à Rome, Genève, Strasbourg, Cologne, Bâle, Fribourg et Berne. — Sur la Tour de Londres, au-dessus de toutes les villes sombres, dans les clochetons et les tourelles, dans les murs croulants ils s’abattent par vols nombreux. Au milieu des martinets et des souris chauves, parmi les maraudeurs de nuit ils célèbrent leurs amours et déposent leurs œufs. Le Corbeau, c’est le vieux puritain de tous les cultes, le chanoine cafard qui fait toujours gras, l’oiseau qui vit autour des religieux et des avares, la hôte vorace, tenace, rapace, coriace que les vieilles filles mettent dans leur pot-au-feu. Le Corbeau, c’est l’immobilité, la longévité, la tristesse qui suit le Temps à pas comptés, et le retarde autant qu’il peut, s’accrochant de son bec aux pans déguenillés de sa robe, le retenant au bord des précipices où la Révolution l’appelle. Le Corbeau, c’est l’autorité qui vit aux dépens des faibles, les torture, leur enfonce dans les yeux sabres et baïonnettes ; l’autorité qui provoque les hommes de cœur, les insulte, se croit invincible, et finit cependant par tomber, atteinte par quelque main téméraire, perdant son sang, battant de l’aile, mourant au comble de la rage et du dépit.