Après eux venait le gros de la troupe : les moins forts, les plus petits, les jeunes garçons, les femmes et les vieillards. Ceux-là montaient les rosses aux queues postiches, les mules aux dents limées, les ânes tout zébrés de dessins bizarres ; ils avaient fait leur toilette pendant la nuit pour les conduire le lendemain à la foire d’Arganda.
Dieu vous garde, hommes libres, et prospérité !
Je les regardais encore avec admiration quand deux gendarmes qui passaient me dirent sous forme d’avis :
« Quand un Gitano laisse derrière lui son cheval ou sa mule, ne les ramasse pas. Quand il ne peut faire marcher son âne, quand il ne réussit pas à le vendre et à le rajeunir, n’essaie pas d’en tirer un pet. Quand il t’offre du retour, ne le prends pas. Quand sa femme te tend la joue, retire-toi. Les Gitanos sont les chargés d’affaires de Satan en Espagne. Nos avocats ne peuvent rien leur apprendre pour les beaux discours et les mauvais procès. Et nous-mêmes, les gardiens du trône et de la Constitution, nous craindrions de toucher le dernier cheveu de leur tête, car c’est un poil arraché de la queue du diable.
» Dieu te garde, homme libre, prospérité ! »
Ils passèrent et pendant quelques minutes leurs grands sabres battirent contre les jambes de leurs chevaux trotteurs. Et moi je dis :
Heureux, heureux les hommes qui ne sont pas protégés par la gendarmerie royale ! Heureux le buffle des savanes et la chèvre des monts que les