Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome II.djvu/40

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sa main blanche. Et j’y trouvai la vôtre, et dans la vôtre celle de la femme à toujours bénie qui, pour me sauver, consentit à embarquer sa fille, son ange gardien, sur les vagues infinies de l’Océan d’Exil !

De ce jour, le lac, le précipice, le torrent, le ciel, le chemin, les arbres et les villes m’apparurent pleins d’enchantements, de promesses de bonheur. Je trouvai le printemps trop froid et l’été trop court. Je pus suivre l’aiguille des horloges et la pluie d’or des sabliers ; je pus compter les minutes et les jours, sans m’effrayer de leur lenteur. Je brisai sur mes genoux la chaîne que la tristesse rivait à mon sein. Je m’élançai de nouveau dans la mêlée sociale, défiant les hommes de lasser ma patience, de faire taire ma voix, de se délivrer jamais des remords et des terreurs que je leur inspire. Et pour congédier la Mort qui restait obstinément à ma porte, je lui jetai la mâchoire d’un rrrévolutionnaire de la tradition tué de chauvinisme rentré lors de la première défaite des Français devant Sébastopol.

Cela me porta bonheur.


Beaucoup réputeront ce que vous avez fait un sacrifice. À ma place, ceux-là se proclameraient à toujours vos débiteurs et le diraient bien haut, pour se dispenser de le prouver jamais. Moi je suis votre ami ; je cesserais de vous aimer le jour où je croirais vous devoir quelque chose. Et je veux conserver le droit de vous aimer toujours.