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II


« Chante, chante encore, mon âme brisée ! Chante comme l’enfant de la Savoie qui meurt de tristesse, comme le cygne sous le couteau ! Chante encore une fois. » — Ainsi dit en moi la voix intérieure.

Et moi j’obéirai. Je chanterai comme l’alouette quand plane au-dessus d’elle l’autour d’Irlande aux serres tranchantes. Elle ne sait trop ce qu’elle doit redouter, mais elle est fascinée par l’œil sanglant de la Mort. Et j’écrirai comme pouvait parler Damoclès aux festins royaux de Sicile, sous la pointe de l’épée !

Et je chanterai comme la fauvette qui tremble quand le paysan cruel a découvert son nid. Et j’écrirai comme pouvait écrire Milton poursuivi par les sicaires de Charles II. Et je sifflerai, je rirai comme qui traverse une ville prise de peste et veut dissiper les terreurs qui l’obsèdent.

Hæret lateri lethalis arundo !

21 Tu es donc bien fatiguée, ma tête rebelle ?… Que mes cheveux me semblent des vipères, et ma barbe un gazon desséché ! Oh rien, rien ne soulagera-t-il cette angoisse ?… Ni l’eau du fleuve, ni l’azur des cieux, ni l’éclat des étoiles, ni le soleil levant, ni le regard, oh ! le regard des femmes tant aimé jusqu’ici !

Hæret lateri lethalis arundo !